
Les Contes et Fables Rifains
Les contes et fables traditionnels du Rif ne sont pas de simples divertissements. Ils remplissent des fonctions vitales au sein de la société Amazighe.
Fadma.Be
Article Creator
Échos d’une Sagesse Ancienne et Voix du Peuple Amazigh
Dans les montagnes escarpées et les vallées verdoyantes du Rif, bien avant l’ère des livres et de l’écran, les soirées s’animaient au son des voix. Autour du feu, sous la voûte étoilée, ou lors des veillées familiales, les contes et fables Rifains prenaient vie, transportant petits et grands dans un univers où la sagesse se déguisait en aventure, l’astuce en leçon de vie, et la morale en rebondissement inattendu. Ce pan inestimable de la littérature orale Amazighe est un trésor de l’imaginaire collectif, un vecteur de valeurs et le reflet d’une culture profondément connectée à la nature et à ses archétypes.

Le Rôle des Contes dans la Culture Rifaine
Les contes et fables traditionnels du Rif ne sont pas de simples divertissements. Ils remplissent des fonctions vitales au sein de la société Amazighe :
- Transmission des Valeurs : À travers les péripéties de leurs héros ou les ruses de leurs personnages animaux, ces récits enseignent la prudence, le courage, la solidarité, l’honnêteté, mais aussi les conséquences de la cupidité, de l’orgueil ou de la paresse.
- Éducation Morale et Sociale : Ils préparent les jeunes à la vie en société, leur apprenant à distinguer le bien du mal, à faire face aux défis et à comprendre les complexités des relations humaines.
- Préservation de l’Histoire et des Mythes : Certains contes portent en eux des bribes d’histoire populaire, des croyances ancestrales ou des explications mythologiques sur le monde qui entoure les Rifains.
- Cohésion Sociale : La narration orale est un acte de partage qui renforce les liens familiaux et communautaires, créant des moments de rassemblement et de transmission intergénérationnelle.
Des Personnages Iconiques : Animaux et Humains à la Loupe
Comme dans de nombreuses cultures, les animaux occupent une place prépondérante dans les fables Amazighes. Ils incarnent des traits de caractère humains, permettant d’aborder des thèmes complexes avec légèreté et universalité. Le loup (uccen), le chacal (igherbiy), le hérisson (imziz), mais aussi les figures de la brave femme, de l’homme astucieux ou du tyran, sont des archétypes récurrents. Leurs interactions, souvent comiques ou dramatiques, servent de support à la leçon morale.

Quelques Contes et Fables Rifains
1. Le Loup et le Hérisson (Uccen d Yinsi)
Un jour, le loup rencontra son vieil ami, le hérisson. Après les embrassements, le loup disait:
— Tiens, c’est la saison agricole, mon vieux, ça te dirait de me joindre pour cultiver un petit terrain.
— Chouette.. et qu’est ce qu’on cultive!?
— Des navets.
Le jour de la récolte, les deux amis se rencontrèrent de nouveau. Ils se trouvaient face a un terrain de verdure qui captivait l’œil.
— Alors cher ami, - disait l’hérisson - que vas-tu choisir, «le haut vert» ou «le bas.. mauvais»!
Le loup très connu par sa ruse, contemple la verdure avec un appétit ardent, décide de s’emparer de la partie verte des navets.. et ne se faire plus avoir par les moqueries de l’hérisson:
— Je prends le coté haut, donc.
Pendant que l’hérisson transporte tranquillement ses navets, le loup regarda ses feuilles fanées.. affaiblies par les coups du soleil.
Il s’est encore fait avoir.. et ce n’est pas la première fois!!
Les deux amis se rencontrèrent une autre fois, et c’était le début d’une autre saison agricole.
— Alors cher ami, si on cultive de nouveau notre terrain.. qu’est ce que t en pense?!
— Volontiers.. et qu’est ce qu on cultive cette saison ?
— Ben.. du blé, si tu veux!
— D’accord.
Apres quelques mois,le loup et l’hérisson se retrouvèrent encore une fois devant leur terrain:
— Que vas-tu choisir, mon ami, le «haut» ou le «souterrain»?!
— Le souterrain.. bien sûr.
Le loup décida cette fois-ci de régler les comptes avec son ami et de lui laisser la partie verte (indésirable sans aucun doute, faisant référence aux navets de la saison précédente!).
Ce n’est que par la suite, après avoir récolté le foin, que notre ami le loup saura que le hérisson lui a encore joué un tour et ce ne sera probablement pas le dernier.
Morale : Ce conte enseigne que l’intelligence et l’astuce peuvent triompher de la force physique. Il valorise la ruse pour survivre face à un adversaire plus puissant, et dénonce l’arrogance et la sottise.
2. Le Chacal et le Corbeau (Uccen d tbghra)
Une autre fable populaire met en scène le chacal, souvent présenté comme un personnage rusé et égoïste. Le corbeau, perché sur un arbre, tient un morceau de fromage ou de viande. Le chacal, désireux de s’emparer de la nourriture, flatte le corbeau, le suppliant de chanter. Le corbeau, flatté, ouvre le bec pour chanter, laissant tomber sa proie que le chacal s’empresse de dévorer.
Morale : Ce conte met en garde contre la vanité et la flatterie. Il enseigne qu’il faut se méfier des paroles doucereuses de ceux qui cherchent à profiter de notre faiblesse ou de notre orgueil.
Un Héritage Précieux à Préserver
Aujourd’hui, face à l’omniprésence des médias modernes, la littérature orale Rifaine est confrontée au défi de sa transmission. Cependant, de nombreuses initiatives locales et culturelles s’efforcent de collecter, de transcrire et de faire revivre ces contes traditionnels amazighs. Des associations organisent des veillées de contes, des écoles intègrent ces récits dans leur programme, et des ouvrages sont publiés pour les immortaliser. C’est un effort vital pour que cette source de sagesse et de divertissement continue d’inspirer les générations futures du Rif et au-delà.
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